Naviguer dans une relation de couple est déjà un défi en soi, mais lorsqu'on est concerné·e par le trouble de la personnalité borderline (TPB), ces défis peuvent parfois sembler insurmontables. Pour celles et ceux qui, comme moi, vivent avec ce trouble, la dynamique amoureuse peut être à la fois une source de joie intense et une cause de grande souffrance.
Cet article est structuré en quatre parties : d'abord, il explore les défis que pose le TPB dans une relation amoureuse ; ensuite, il souligne les opportunités de croissance personnelle et relationnelle ; puis, il propose des conseils pratiques pour cultiver une relation saine ; enfin, je partage mon propre parcours de vie avec le trouble et les leçons que j'en ai tirées pour guider celles et ceux qui vivent des expériences similaires.
Comprendre le TPB dans le contexte du couple
Le trouble de la personnalité borderline (TPB) se caractérise par une instabilité émotionnelle intense, des relations interpersonnelles souvent difficiles, une image de soi fluctuante, et une hypersensibilité à la possibilité du rejet et de l'abandon. Ces traits peuvent rendre les relations amoureuses particulièrement complexes.
Lorsque le TPB s'invite dans une relation, les émotions sont souvent amplifiées. Les moments de bonheur peuvent être vécus avec une intensité presque euphorique, tandis que les périodes de conflit ou de doute peuvent rapidement se transformer en crises émotionnelles dévastatrices. Cette montagne russe émotionnelle peut être épuisante, non seulement pour la personne concernée par le TPB, mais aussi pour son ou sa partenaire.
Les défis des relations avec le TPB
Peur de l'abandon et dépendance émotionnelle : L'une des caractéristiques les plus marquantes du TPB est la peur intense de l'abandon. Cette peur peut conduire à des comportements que l'on pourrait qualifier de « collants » ou, au contraire, à des réactions agressives pour éviter de se sentir vulnérable. L'angoisse de perdre l'autre peut provoquer des crises de panique, des explosions de colère, ou des tentatives de manipulation, souvent dans le but inconscient de tester l'amour et l'engagement du·de la partenaire. Paradoxalement, cette peur de l'abandon peut aussi pousser à prendre les devants en mettant fin à la relation, dans une tentative de se protéger en abandonnant l'autre avant d'être soi-même abandonné·e "au cas où".
Idéalisation et dévalorisation : Les personnes concernées par un TPB ont souvent une perception dichotomique du monde, et cela inclut leurs relations amoureuses. Un jour, leur partenaire peut être vu comme l'incarnation de la perfection, et le lendemain, être perçu·e comme décevant·e ou même néfaste. Cette alternance entre idéalisation et dévalorisation peut créer une confusion énorme dans le couple, rendant difficile pour l'autre personne de comprendre comment réagir ou se comporter.
Instabilité émotionnelle : Les humeurs peuvent changer plusieurs fois dans la journée, allant de la joie extrême à la colère ou la tristesse profonde sans raison apparente. Cette instabilité peut rendre la vie de couple imprévisible et stressante, où chaque petite contrariété devient un potentiel déclencheur d'une crise majeure.
Difficulté à gérer les conflits : La gestion des conflits est souvent un point délicat dans les relations où le TPB est présent. Les disputes peuvent rapidement dégénérer en crises où l'un·e ou les deux partenaires se sentent submergé·e·s par des émotions incontrôlables. La capacité à se réconcilier après un conflit peut également être compromise, laissant parfois des blessures profondes dans la relation.
Risque de comportements autodestructeurs : Lorsqu'une personne concernée par le TPB se sent rejetée ou abandonnée, elle peut recourir à des comportements autodestructeurs comme l'automutilation ou des tentatives de suicide. Ces actions sont souvent des appels à l'aide, des moyens maladroits d'exprimer une souffrance intérieure immense.
Paradoxalement, cette peur de l'abandon peut aussi pousser à prendre les devants en mettant fin à la relation, dans une tentative de se protéger en abandonnant l'autre avant d'être soi-même abandonné·e "au cas où".
Les opportunités : grandir ensemble avec le TPB
Malgré ces défis, il est tout à fait possible de construire une relation épanouissante lorsqu'un·e des partenaires est concerné·e par le TPB. En fait, ces relations, si elles sont bien gérées, peuvent même offrir des opportunités uniques de croissance personnelle et relationnelle.
Intensité des émotions agréables : Si les émotions désagréables peuvent être amplifiées, il en va de même pour les émotions agréables. Les moments de bonheur et de connexion peuvent être extrêmement profonds et significatifs. Cette intensité peut renforcer le lien entre les partenaires et créer des souvenirs inoubliables.
Opportunité de thérapie et de croissance personnelle : De nombreuses personnes concernées par le TPB trouvent un grand bénéfice à suivre une thérapie, notamment la thérapie comportementale dialectique (TCD). Être dans une relation peut servir de motivation supplémentaire pour s'engager dans ce type de travail thérapeutique. Par ailleurs, le·la partenaire non concerné·e peut également profiter d'une thérapie pour mieux comprendre le TPB et apprendre à gérer les situations difficiles.
Renforcement de la confiance : Construire une relation stable et aimante malgré le TPB peut renforcer la confiance en soi et dans l'autre. Savoir que l'on peut surmonter ensemble des épreuves aussi difficiles peut consolider la relation et créer un sentiment de sécurité durable.
Développement de compétences émotionnelles : Être en couple avec une personne concernée par le TPB peut encourager les deux partenaires à développer des compétences émotionnelles plus sophistiquées, telles que la patience, l'empathie, et la communication non violente (CNV). Ces compétences ne sont pas seulement utiles dans la relation, mais enrichissent également les interactions avec les autres.
La Communication Non Violente (CNV) est une méthode de communication visant à exprimer ses besoins et émotions de manière empathique et sans jugement, tout en favorisant une écoute active et respectueuse dans les échanges.
Conseils pratiques pour cultiver une relation saine avec le TPB
Éducation et compréhension : Apprendre sur le TPB est essentiel pour toute personne en couple avec quelqu'un·e qui en est concerné·e. Comprendre les mécanismes sous-jacents du trouble permet de mieux interpréter les comportements et de ne pas les prendre personnellement. Cette connaissance aide également à anticiper les crises et à les gérer de manière plus efficace.
Communication ouverte et honnête : La communication est la clé de toute relation, mais elle est encore plus importante lorsque l'un·e des partenaires a un TPB. Il est essentiel de discuter ouvertement de ses sentiments, de ses craintes et de ses besoins le tout dans la bienveillance et le non jugement. Une communication claire aide à éviter les malentendus et à désamorcer les situations potentiellement explosives.
Établissement de limites saines : Les limites sont indispensables pour préserver l'équilibre dans une relation où le TPB est présent. Cela inclut des limites pour soi-même et pour son·sa partenaire. Ces limites aident à maintenir une certaine distance émotionnelle lorsque cela est nécessaire et à éviter l'épuisement émotionnel.
Pratique de l'auto-soin : Pour le·la partenaire non concerné·e, il est primordial de prendre soin de soi. Vivre avec quelqu'un·e qui a un TPB peut être épuisant, et il est important de se ressourcer régulièrement. Cela peut passer par des moments de solitude, des passions, ou du temps passé avec des ami·e·s et de la famille. De plus, pratiquer des techniques de relaxation, comme la cohérence cardiaque ou la méditation, peut aider à rester centré·e et serein·e.
Encouragement du traitement : Si ton·ta partenaire concerné·e par le TPB ne suit pas de traitement, il peut être utile de l'encourager à en chercher un. La thérapie, et en particulier la TCD, a prouvé son efficacité dans la gestion des symptômes du TPB. Soutenir ton·ta partenaire dans ce processus montre que tu es engagé·e à ses côtés pour une relation plus saine.
Savoir quand demander de l'aide : Parfois, la relation peut atteindre un point où l'aide extérieure est nécessaire. Cela peut inclure des thérapies de couple ou des groupes de soutien pour les partenaires de personnes concernées par le TPB. Ne pas hésiter à chercher cette aide peut prévenir les situations de crise et renforcer la relation !
Mon parcours personnel avec le TPB en couple
Depuis plus de 10 ans, j'ai enchaîné les relations amoureuses sans jamais pouvoir rester seule plus de deux semaines. Je cherchais littéralement toujours une nouvelle personne pour venir me sauver, sans en avoir vraiment conscience. Lorsque j'étais en couple, j'avais constamment besoin de plus : plus de messages, plus d'attention, plus d'intensité, plus de sexe. Et paradoxalement, quand je recevais tout cela, c'était finalement trop : trop oppressant, trop de pression.
Je passais d'un extrême à l'autre, trouvant un jour mon partenaire incroyable parce qu'il avait répondu à mes attentes, puis le lendemain, je le dévalorisais complètement pour une broutille, comme le fait de ne pas avoir rangé ses chaussettes. Ce qui s'ensuivait, c'était un cycle perpétuel de doutes (ce qu'on appelle le TOC du couple), des angoisses incessantes qui me hantaient toute la journée et énomément de dissociation.
Finalement, je provoquais souvent l'irréparable : tromper l'autre ou adopter un comportement similaire, afin de mettre fin à la relation et m'assurer de ne pas retomber dans ce cycle destructeur. C'était une véritable torture émotionnelle, d'autant plus que je ressentais encore de l'amour pour mon partenaire. Ensuite, je me retrouvais avec un goût amer de culpabilité.
Je me retrouvais souvent dans un tourbillon émotionnel, déchirée entre un amour sincère pour mon partenaire et une angoisse paralysante qui me poussait à tout détruire.
Le diagnostic est tombé juste avant la fin de ma dernière relation, il y a plus d'un an. Depuis, je suis célibataire, et je ne prétends donc pas avoir toutes les réponses. Cependant, cette année de célibat m'a permis de me reconstruire, d'arrêter d'attendre que quelqu'un me sauve, et d'apprendre, petit à petit, à me chérir et à prendre soin de moi-même.
J'ai développé des passions, des projets (coucou BorderAttitude !), et j'ai appris à être indépendante. J'ai également compris quels sont mes besoins et comment les communiquer de manière claire et bienveillante, sans attendre de l'autre qu'il les devine. Je m'attends à ce que des angoisses reviennent lorsque je serai de nouveau en couple (qu'il s'agisse d'une relation monogame ou polyamoureuse, un sujet que j'explore ainsi que ma pansexualité), mais je sais que désormais, je suis beaucoup plus à l'écoute de moi-même et capable de partager mes ressentis avec bienveillance, plutôt que de retomber dans un besoin compulsif de dépendance émotionnelle.
Je garde espoir pour le futur. Je suis convaincue que, avec une communication ouverte et une intelligence émotionnelle développée, il est possible de construire une relation de couple épanouissante et équilibrée même avec un trouble de la personnalité borderline.
Pour aller plus loin dans la compréhension du TPB et des relations de couple, je te propose de découvrir ces ressources utiles ainsi que cette sélection de livres recommandés qui m'ont personnellement aidée dans mon parcours.
Conclusion
Vivre en couple avec une personne concernée par le trouble de la personnalité borderline n'est pas un chemin facile, mais ce n'est pas non plus une fatalité. Avec une bonne dose de patience, d'empathie, et des outils adaptés, il est possible de construire une relation solide, épanouissante, et durable. Les défis sont nombreux, mais les récompenses le sont tout autant. En cultivant l'amour, la compréhension, et le respect mutuel, un couple peut non seulement surmonter les défis liés au TPB, mais également évoluer, transformant ainsi les difficultés en opportunités de croissance partagée !
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